A peine de retour de ce grand trek au cœur de la valley du Tsum, je sais maintenant que le mot voyage y trouve pleinement son sens.
Il est l’illustration même de ce qu’écrivait Montaigne sur les fameux voyages qui forment la jeunesse.

Après le trek magique avec Romain 5 ans ce printemps dans les collines du Népal, voilà un trek juste irréel au pied des Ganesh.
Difficile de décrire cette ambiance à l’heure d’Internet, de l’iphone et autres inventions modernes. Je fus la spectatrice privilégiée d’un moment entre Moyen-Age et 21^ième siècle, un moment rare qui bientôt n’existera plus. Aucune application ne peut traduire cela…

Ouverte aux étrangers depuis 4 ans uniquement pour diverses raisons dont l’aspect stratégique, cette vallée est restée exclusivement tibétaine dans son mode de vie : langage, culture, patrimoine, monastères… tout respire le Tibet harmonieux, et pour cause il n’y a pas de Chinois. Car cette vallée appartient géographiquement au Népal même s’il est plus simple d’y accéder par la Chine au travers de cols « faciles » à plus de 5000m. Seuls les habitants de cette vallée sont autorisés à franchir la frontière vers les Hauts Plateaux du Tibet chinois afin de se ravitailler en denrées diverses (du riz au Pepsi…). Caravanes de yaks, dunkees ou chevaux s’y succèdent dans un nuage de poussière…

Grande vallée entourée de célèbres 7000m avec des villages à plus de 3000m, ce peuple vit dans des conditions très rudes. Nous serions incapables de survivre un hiver à ces altitudes sans eau courante ni chauffage, à manger de la tsampa mélangée au tibetan tea (thé au beurre de yak), à boire du rakshi (alcool local), à récolter brin par brin du millet, à ramasser bouses de yak pour les faire sécher comme combustible, à arpenter des coins escarpés pour couper du bois et le ramener sur son dos, tout en s’occupant des yacks et autres bestioles, le tout avec 8-10 enfants à élever et à nourrir, ….Voir ce peuple, et surtout ces femmes vivre et enfanter dans de telles conditions, à la dure, dans des habitations très spartiates ne peut que susciter du respect. Et pourtant ils y survivent parfois très vieux.

Qu’est-on devenu en Occident ?

Même si l’électricité a par endroits fait son entrée, apportant le soir une lumière blafarde mais surtout les DVD et la TV avec ses chaînes internationales et chinoises, ils s’amusent à regarder l’autre monde fait de lofts lumineux aux cuisines hi-tech avec des Apple dans chaque pièce. Leur curiosité est avivée mais ils le regardent avec un recul spectaculaire, voire un certain amusement.
Comme ils nous regardent nous aussi avec nos habits de parfait trekkeur, dormant dans de supers sacs de couchage. Une tibétaine m’a même palpé les mollets comme pour s’assurer s’il y avait vraiment du muscle sous la peau. Une autre, une vieille nonne, riait aux éclats et au travers de mimes essayait de me faire comprendre que mes savons mis à sécher au soleil allaient être volés par les corbeaux. Le tout pendant que de grands singes à tête blanche étaient en train de voler les pommes de terre en creusant dans les parcelles qui sculptent la montagne alentour.

Là-bas le modernisme arrive à petits pas mais les traditions et surtout le mode de pensée imprégnée de bouddhisme fait une sorte de rempart temporaire à la mondialisation.

Une rencontre avec un homme dans les 25 ans, marié, 2 enfants, parlant un anglais parfait, parti vivre et étudier 3 ans à Kathmandu, illustre parfaitement l’esprit de cette vallée de la plénitude. A ma question, à savoir s’il comptait continuer à vivre dans cette vallée, sa réponse fut surprenante : « Ici j’ai tout, pourquoi aller ailleurs, pour courir derrière un salaire pour payer un loyer et la nourriture et recommencer le lendemain, quand vis-tu ? Ici je vis chaque jour».

Bref 18 jours de trek au lieu des 19 initiaux car devant l’absence d’endroits pour dormir nous avancions, quelques 80 heures de marche, presque 13 000 m de montée et autant de descente, pas de très hautes altitudes (4500m), par contre des paysages sublimes de montagnes avec des sommets et glaciers gigantesques depuis le Camp de Base des Ganesh, des villages aux teintes et formes harmonieuses mais surtout ces visages et ces jeunes filles aux rires enchanteurs…

Manu mon coéquipier parti avec moi n’aura pas eu la chance d’arriver jusqu’aux gorges très profondes qui protègent cette vallée du reste du Nepal. Il abandonne dépité au 4^ième jour. Je me suis retrouvée seule avec 3 serviables népalais, un guide et 2 porteurs, j’étais juste « la Queen Tourist ».

Accueillie chez l’habitant ou dans les monastères de nonnes ou de moines, seule étrangère parmi mes hôtes, l’expérience fut juste unique même si les puces m’ont fait la fête et les souris m’ont rendu quelques visites surprises.