Pour en savoir
plus sur Desh ("Kancha")...
C’est Jacqueline et Michel
qui ont mis en forme la petite interview ci-dessous. Ils
connaissent Desh depuis1997, ils l’ont eu
plusieurs fois comme guide et donc ils ont eu beaucoup
de temps pour discuter avec lui au Népal
et en 2005 lors de son séjour en France.
J&M :
Bon ! On va commencer notre
petit travail de journaliste … Le plus dur est de
décider par où commencer… Par exemple ton nom … Parfois
on t’appelle Desh, parfois Kancha … Tu
peux nous expliquer ?
Desh :
Oui, au Népal les gens
ont souvent plusieurs noms. « Kancha », ça veut dire
« le dernier de la famille ». Pour une fille on dit « kanchi ».
Il y a d’autres kancha à Trinetra (Am Bahadur,
Sandra (le frère d’Harka et Sunar…)
En plus, souvent les enfants changent de nom quand ils
vont à l’école, par exemple mon fils Maïla
maintenant on l’appelle Moné.
C’est comme ça au
Népal …
M&J :
Parle nous un peu de ton
histoire …
D :
Je suis né à Laprak et j’ai
été berger dans la montagne jusqu’à 12 ans. De 12 ans à
14 ans je suis revenu au village et j’ai pu aller un peu
à l’école. Mais mon papa est mort alors j’ai du
travailler. A dix huit ans maman a décidé de me marier
avec Kanchi.
M&J :
C’est elle qui a décidé ?
D :
Oui, c’est elle qui a décidé toute
seule parce que mon papa était mort. Elle a bien choisi.
On s’entend bien avec Kanchi …
M&J : Kancha
et Kanchi vous étiez faits pour vous rencontrer …
D :
Oui, mais ma kanchi ce n’est pas
une vraie kanchi ! Ses parents croyaient qu’elle serait
la dernière mais ils ont eu encore une autre petite
fille. Alors il y a eu deux kanchi dans la famille. Son
vrai nom sur la carte d'identité c’est Panpani
mais si on l’appelle comme ça elle ne comprend pas ! Il
faut lui dire Kanchi …
Ma kanchi c’est une sœur la femme de Sunar.
Excusez mois, je ne peux pas dire son nom …)
M&J : Lalamaya ?
…
D :
Excusez mois, je ne peux
pas dire son nom …)
M&J :
Hein ? Tu ne peux pas
prononcer le nom de Lalamaya ? …
D :
Non …C’est comme ça, c’est notre
tradition …
M&J :
Parle nous un peu de tes
enfants, de ta famille …
D :
On a trois enfants : Djité
(9ans) Dhan Maya (7 ans) et Magar Singh
(à la maison ou l’appelle Kancha ou Maila
4 ans et à l'école on l’appelle Moné)
Jusqu’en 2005 Kanchi a vécu à Laprak avec
les enfants. Avant de partir en France, je les ai
ramenés tous les quatre à Katmandu. C’était un
peu difficile parce que les enfants ne parlaient pas du
tout le népali. Je les ai tout de suite inscrits à
l’école. Au bout de quelques mois ils s’étaient adaptés
et aujourd’hui Dan Maya est première de sa
classe!
M&J :
Et Kanchi, elle s’est bien adaptée ?…
D :
Au début c’était très dur pour
elle parce qu’elle ne parlait pas du tout le népali.
Mais sa sœur habite pas loin (10 minutes à pied) Elles
peut aller la voir facilement. Elle avait surtout peur
de « ne pas y arriver » parce que la vie est très chère
à Katmandu. Heureusement il y a du travail à
Trinetra et aussi on a eu la chance d’être aidés
pour l’école des enfants par Emmanuelle, une
cliente de Trinetra. C’est une grande chance pour
nous !
M&J :
Et toi, tu n’es pas beaucoup allé à l’école ?
D :
Juste jusqu’à la classe 2, de 12
ans à 14 ans. Après, avec mes premiers salaires de
porteur j’ai pu me payer mes premiers cours d’anglais.
C’était très important d’apprendre l’anglais pour
communiquer avec les clients. Après j’ai pu apprendre le
français avec Harka à Trinetra et aussi
directement avec les clients pendant les treks.
M&J :
Et pour le métier de guide ?
D : Sunar
m’a beaucoup appris et aussi j’ai eu la grande chance
d’être aidé par « San Miguel », un autre grand
ami de Trinetra qui m’a offert le stage « Basic
course » de NMA (Népal Mountainering Association). Sans
ça c’était impossible pour moi de faire vivre ma famille
et de payer le cours.
M&J :
Parle nous un peu de ta vie de
berger …
D :
On était toute l’année dans la
montagne. L'été, de juin à août, on amenait les bêtes au
dessus de Ropché Karka, à environ 3400 mètres
d’altitude, à un jour de marche (6h30 – 7 heures
toujours en montée) au nord de Laprak)
En septembre on redescendait juste avant Laprak (Parkim
a 4h de marche de marche du village) On y restait
deux semaines environ. Puis descendait juste a coté du
village pour le fumier sur les champs (pendant 1 mois)
En hiver (de décembre à février) on changeait de région.
On allait plus bas, du côté de Apri tout à fait
au sud de Laprak.
Au printemps on remontait doucement, en suivant la fonte
de la neige… On passait à Zogar karka, à Darzé
… On restait comme ça, autour du village…
En tout on avait une cinquantaine de moutons
(quelquefois un peu plus, quelquefois un peu moins) qui
appartenaient a notre famille. Le travail de berger est
quelquefois très facile, quelquefois très difficile.
Quand il pleut et que tout est mouillé il faut
travailler quand même. J’étais avec mon frère et
quelquefois Saïli (ma sœur) le remplaçait quand
il allait au village.
On avait un seul « bokou* » pour chacun et c’était pas
possible de se changer (trop lourd a porter) Quelquefois
il y avait de gros orages et il fallait faire attention
en cas de grêle. On essayait de protéger les moutons en
les mettant à l’abris sous des avancées de rochers (il
faut bien connaître le terrain) Chez nous en montagne
les orages sont très durs ! Une fois, pendant un orage
de grêle deux moutons sont morts et moi aussi j’ai été
touché. J’ai été renversé (pourtant je tenais bien le
bokou au dessus de moi !)
Garder le troupeau de la famille c’est une grosse
responsabilité. On a toujours peur de perdre un mouton.
Il faut les compter et les recompter souvent. Il y a une
technique pour ça : on utilise un bâton (on leur tape
dessus ...)
M&J :
A part l’orage, il y a
d’autres dangers ?
D :
Il y a l’ours, le tigre …
M&J :
Gloups ! Tu les a vus?
D :
Oui, l’ours trois fois et le tigre
une fois.
M&J :
Vous n’étiez que deux, et très
jeunes … Vous aviez peur?
D :
Oui, bien sûr ! C’est pour ça
qu’on faisait du feu la nuit, pour éloigner les bêtes
sauvages. Et on dormait toujours avec le kukri à côté.
M&J :
Et pour manger?
D :
C’était toujours de la tsampa
(mélange de céréales grillées de millet, de blé, de maïs
…) Deux fois par an, pour Dasaïn et pour « Dzandu
Purné » (orthographe non garantie, cette fête très
importante pour les laprakis correspond à la naissance
de Buddha) on mangeait du riz (c’était très cher
…)
M&J :
Il y avait toujours du
travail ? Vous n’aviez pas de temps pour jouer ?
D :
Oui, il y avait toujours du
travail bien sûr, mais on jouait beaucoup aussi. Par
exemple on jouait avec des cailloux. J’ai vu des jeux
comme ça en France (solitaire ? Dames ?)
On jouait aussi beaucoup de la « ganga » (guimbarde) La
ganga c’est un beau cadeau à faire aux filles. Elles
aiment beaucoup ça.
On passait aussi du temps à faire des petites choses en
bamboo, comme des pudums (petite « rallonge » pour fumer
les mégots …
M&J :
Et ton voyage en France ?
D :
Tous les grands amis de
Trinetra se sont groupés pour m’aider a me former
dans tous les domaines (français, escalade, alpinisme,
culture …) Pour moi cela a été une expérience
extraordinaire et jamais je ne pourrai remercier tout le
monde comme je voudrais. Ca a été une très grande chance
pour moi !
M&J :
Et le carnet de voyage, il
avance ?
D :
Oui, oui … Depuis un an et demi je
n’ai jamais arrêté, mais pour moi c’est un très gros
travail. En France je l’ai écrit chaque jour à la main,
après je l’ai tapé sur l’ordinateur en népali et
maintenant j’essaie de le traduire en français.
M&J :
Tes projets ?
D :
J’espère que j’aurai bientôt la
chance de réussir un 7000 … |